C’est l’histoire d’un culte inter-églises, l’assistance était réunie dans un gymnase, assise sur les gradins sans dossier. Il avait 20-25 ans à l’époque. Aujourd’hui, il ne se souvient pas de l’orateur, ni du thème dont il était question. Il ne se souvient pas non plus des chants repris par l’assemblée. Il ne se souvient pas du visage de sa voisine de devant, mais son string apparent, orné de diamants fantaisie, avait suffisamment détourné son attention, pour que, 15 ans après, il s’en souvienne.
Mais le vêtement, à quoi sert-t-il ?
Le vêtement a été inventé immédiatement après la chute d’Adam et Ève : feuille de figuier, puis peau d’animal, il a eu pour vocation première de couvrir la nudité devenue honteuse. Il protège du froid, du soleil, de la pluie, du vent, et nous aide dans nos activités sportives. Il possède des vertus d’identification sociale : chemise et cravate sont par exemple la signature vestimentaire d’une majorité d’hommes cadres d’entreprise. Outil de séduction, le vêtement est un redoutable accélérateur de sentiments, voire faiseur de couples : qui osera dire que cette petite robe blanche sur sa peau bronzée, cette chemise entrouverte sur son torse musclé, l’a laissé totalement indifférent ?…
Il est aussi signal d’appartenance religieuse : de nombreuses musulmanes, juives hassidiques, hindoues, expriment par leur tenue leur rapport au divin. Il peut se faire symbole de domination – de l’homme sur la femme, du maître sur l’esclave – ou d’égalitarisme (pensons aux uniformes scolaires). Support publicitaire, le t-shirt imprimé rend visible un slogan ou une marque. Moyen d’affirmation de soi et de ses valeurs, il dira quelque chose par sa forme, par le texte qui l’ornera, par la culture qu’il évoquera.
La raison d’être du vêtement recouvre tellement de champs qu’on peut difficilement le cantonner à une destination unique, qu’elle soit religieuse, sociale, culturelle ou pratique. Toute tentative en ce sens rendrait l’approche fadement réductrice. Le burkini : vêtement de bain, symbole de domination patriarcale, ou instrument d’affirmation religieuse ? Le boubou aux couleurs chatoyantes : symbole de reconnaissance culturelle, outil de séduction ou simple objet pratique et agréable à porter ?
Que dit le string de cette femme mentionnée plus haut ?
Et pourquoi les deux centimètres de raie des fesses que n’importe quel bricoleur peut rendre accidentellement visibles, ne disent pas la même chose ? Ce string aura-t-il la même signification s’il appartient à la femme du pasteur ? à une mamie pilier de l’église ? à une prostituée qui assisterait à un culte pour la première fois ? à une jeune fille du groupe de jeunes en pleine période de rébellion ? Le pasteur prêchant en bermuda ne sera pas perçu de la même manière selon qu’il se trouve dans sa paroisse d’un quartier huppé, ou dans un camp de jeunes au bord d’un lac. Selon les personnes concernées, les églises, les cultures locales, la maturité de l’assistance, et les circonstances, on acceptera certaines tenues, on s’en accommodera, ou on les trouvera totalement inconvenantes.
Alors ? Quelle tenue correcte exiger ?
La bonne réponse, c’est qu’il n’y a pas de bonne réponse ! L’exigence ne porte ni sur la coupe du vêtement, ni sur ce qu’il recouvrira de notre corps, ni sur l’éclat de ses couleurs. La liberté dont jouit le chrétien, c’est d’avoir à faire usage de son intelligence, de sa réflexion, de sa capacité d’observation et d’analyse pour considérer avec sagesse les codes, les circonstances et de multiples autres paramètres. Tout ce qui lui permettra de jauger quelle tenue sera « correcte ». Peut-être commettra-t-il parfois quelques impairs. Mais ce faisant, tenu d’être attentif à son environnement, il chemine et grandit. Réfléchir soi-même au dress-code approprié, n’est-ce pas stimulant ?